Parler de la vigne dans le Mantois devant des espaces industriels, des plaines céréalières et des lotissements, en affirmant que notre région fut bonne productrice de vin et que Mantes était un marché important de cette boisson, relève d'un esprit plaisant et fait apparaître un sourire condescendant sur le visage de l'interlocuteur natif de Bourgogne ou amateur des vins de Bordeaux…
Et pourtant, les curieux de la chose historique sont convaincus de leur affaire depuis longtemps, d'autant que les récents travaux de Marcel Lachiver sur le vignoble de l'Ile-de-France les renforcent dans leur certitude et leur permettent d'avancer tranquillement sur le chemin de la contradiction, preuves en main. Ils peuvent affirmer que, des temps carolingiens au début du XIXème siècle, le vignoble de la région parisienne fut parmi les plus vastes, sinon le plus vaste du pays et qu'il fut longtemps le plus abondant.
La vallée de la Seine présente des caractéristiques physiques et climatiques qui ont facilité l'implantation de la vigne. En effet, le fleuve, entaillant largement le plateau calcaire, a développé un relief de coteaux escarpés et de larges terrasses semées d'éboulis et caillasses. Le sol de gravelle aérée a profité au maximum du rayonnement solaire, en particulier sur la rive droite de la seine et dans les vallons exposés au sud-est. Les mesures climatologiques, en longue durée, montrent que la nature n'est pas ici plus sévère qu'en Champagne. Les gelées, fréquentes en mai en Ile-de-France, sont catastrophiques en juin à Reims. Tout ceci souligne bien que rien n'interdit ici la culture de la vigne. Rencontrant la forte et ancienne attraction du marché parisien, le vignoble " français " va se développer face aux vignobles bourguignons, " ligériens " ou bordelais, pendant deux ou trois siècles.
La ruine et la disparition seront le résultat des difficultés frumentaires précédant la Révolution de 1789, puis de la conjonction de l'épidémie de phylloxéra de 1899 avec la concurrence des vins du Midi transportés par chemin de fer.
ANCIENNETE DES VIGNES MANTAISES
Nous allons donc, et malheureusement à grands pas, parcourir l'histoire des crus de ce vignoble du mantois qui s'exportaient jusqu'aux Pays-Bas et qui eurent permis la conversion du Grand Khan des Tartares par le Cordelier Rubriquis envoyé par Saint-Louis, si la quantité avait été suffisante… Le Cordelier était-il pensionnaire du couvent Mantais ? Sans aller si loin, Regnard, dans son voyage de Normandie paru en 1689, vante le vin des environs de Mantes en des termes élogieux :
"A Mantes fut la dinée,
Ou croit cet excellent vin
Que sur le clos célestin
Tombe à jamais la rosée !
Puissions-nous, dans
Cinquante ans
Boire pareille vinée !
Puissions-nous, dans
Cinquante ans
Tous ensemble en faire autant !"
On sait que sous l'influence des premiers colons grecs, les Gaulois cultivaient la vigne. Les découvertes archéologiques confirment les généralités exprimées par les auteurs latins. L'occupation romaine favorisa l'expansion de cette culture.
A l'aube du IXème siècle, l'abbaye parisienne de Saint-Germain-des-Prés, sous l'abbatiat d'Irminon, faisant le dénombrement de ses biens fonciers, invoque la possession de 70 arpents de " vieilles vignes " sur son domaine de Secqueval (actuellement commune de GUERVILLE) auxquels Irminon ajoute 30 nouveaux arpents.
Avant d'en arriver à la période moderne, arrêtons-nous au Moyen Age, où nous apprenons par la relation du moine normand Orderic Vital qu'en 1087, le seigneur de Bréval, Ascelin Goel, partisan de Guillaume le Conquérant, dévasta les vignes des bourgeois de Mantes, la veille du pillage de la ville par le duc de Normandie.
Pendant tout le Moyen Age, la culture de la vigne progresse en Ile-de-France, principalement sous l'impulsion des grandes abbayes parisiennes et normandes qui recherchent non seulement l'autosuffisance mais aussi la production d'un vin de qualité aisément exportable en Flandre et aux Pays-Bas. Le Mantois n'échappe pas à cette tendance. La confirmation entre 1150 et 1165 par Guillaume Mauvoisin de l'exemption accordée à l'abbaye de Saint-Wandrille des droits de péages qu'il prélevait sur son bateau passant entre Rosny et Mantes conforte notre propos, si l'on sait que ce bateau portait chaque année des vins de France. Les vins étaient réservés, dit-on dans ce texte, à l'usage exclusif des moines.
Une donation en août 1241, par jean Chambrier de Blaru, au prieuré du Val-Guyon, aux confins de Rosny, Rolleboise et Bonnières, note avec précision, à la fois la qualité du vin, son origine et la nature du contenant, " un baril de vin blanc de 30 gallons à la mesure de Vernon à prendre chaque année à la fin des vendanges sur une vigne appelée le Jardin ". Les moines du Val-Guyon s'étaient auparavant vus confirmer en 1233, par Jean et pierre de Flavacourt, la donation de 2 muids de vin à prendre aux vendanges sur les vignes du moulin de Brasseuil. Ces exemples peuvent être multipliés.
LE TRAVAIL DE LA VIGNE ET DU VIN
Nous nous attardons plus volontiers sur l'environnement du vin : l'outillage, le matériel et les conditions de sa récolte.En effet, cette vigne, il fallait en planter les ceps et avant d'en vendanger les grappes, en cultiver le développement. Au XVIIème siècle, le vigneron, constate Marchel Lachiver, plante encore des cépages nobles : pour le vin blanc, des pieds de pinot noir ou de meunier. Malheureusement, l'accroissement de la demande parisienne ( 2 à 300 000 habitants sous Henri IV, 500 000 au début du XVIIIème siècle et 6 à 700 000 au moment de la révolution) écarte ces cépages de qualité mais de faible productivité au profit de " l'infâme gamay ", dès la fin du XVIIème siècle. Il deviendra omnipotent à partir de 1750 ; le vin tiré de ces raisins deviendra de plus en plus noir par l'adjonction de baies de sureau écrasées donnant " le gros qui tache "…A ce rythme, les plantations atteignirent pour l'Ile-de-France, sous le règne de Louis XVI, une superficie supérieure à 25 000 hectares. A la veille de la Révolution, la région mantaise est couverte de vignes. Sur 4 849 hectares, elle produit, les mauvaises années 25 000 hectolitres et les bonnes années, comme en 1781 et 1785, 250 000 hectolitres. Buchelay donne, par exemple en 1780, 580 muids de 281 litres chacun, sur 251 arpents soit un rendement de 13,2 hectolitres à l'hectare.Lachiver détermine, à la lecture d'une statistique fiscale datable de 1786, un tableau du mérite des vins du Mantois :Vin très bon : Follainville, Limay…Vin bon : Mantes, Gassicourt, Porcheville…Vin assez bon : Mantes-la-Ville, Guerville, Rosny…Vin médiocre : Buchelay…
Les sols sont travaillés deux fois par an à la houe pleine ou à dents ; la charrue vigneronne n'apparaîtra qu'au XIXème siècle et le plus souvent sur les terrains plats de Buchelay, Mantes-la-Ville, Rosny, Porcheville, où elle connaîtra une seconde jeunesse dans la culture des petits pois, asperges et autres légumes.
LES INTEMPERIES D'AOÛT 1790
La fin du XVIIème et le XVIIIème siècles connaissent un " petit âge glaciaire " comportant des hivers rudes. Celui de 1709 fut tel que la Seine charriait des glaces ; Guy Chrestien, échevin mantais, note que les noyers et arbres fruitiers gelèrent, " chose qu'on a point encore vue dans l'histoire ". Pendant ce temps, les printemps et étés connaissaient des gelées et tornades dévastatrices. L'orage du 6 août 1767 affecte 35 paroisses de l'élection de Mantes ; Buchelay perd 800 muids de vin, Mantes-la-Ville 500 muids et Gassicourt 300 muids. Ce déséquilibre saisonnier, et les étés pourris bouleversent les revenus des vignerons. La grêle du 27 août 1790, les gels et orages d'avril-juin 1792 sont significatifs.
La grêle du 27 août 1790 survient deux années après le cyclone du 13 juillet 1788 qui affecta une large bande du pays entre la Loire et les Flandres. Un état dressé le 13 février 1793 donne la liste des communes sinistrées du District de Mantes. Il récapitule les estimations des experts. Pour ce qui concerne, Mantes-la-Ville, subit une perte financière de 2 600 lt., Guerville 24 000 lt. et Porcheville 3 000 lt. Ce sont les habitants d'Epône et de Vert qui nous donnent la description la plus exacte de l'événement. L'observation est confirmée par les maire et officiers municipaux de Porcheville qui voient arriver l'orage " entre 4 et 5 heures après midy… ". Les effets sont immédiats ; là encore les gens de Vert sont précis dans le détail : " …Lorsque cette grêle a été fondue, la terre a paru et paroit encore couverte de feuilles, des bourgeons et des fruits des arbres, les vignes sont dépouillées de leurs feuilles… leurs grappes sont tombées, … meurtries… ". Partout c'est la même désolation ; mais ce qui frappe l'esprit des narrateurs, c'est la perte attachée au produit de la vigne. Cette perte va rendre plus difficile le poids de l'imposition et jettera dans la misère les moins nantis.
On le voit, cet orage du 27 août 1790 marque vivement l'esprit des paysans du Mantois. Cette part nous a paru intéressante à noter et à relever systématiquement pour rechercher les fondements du lent processus d'évolution qui va voir les cultures, essentiellement maraîchines, supplanter la vigne dans les secteurs peu favorables. Sur Porcheville, nous trouvons les cantons sinistrés du Clos, des Voyers, de La Garenne, des Guignières, de Fontaine Saint-Séverin et des Paradis.
Ces calamités de la seconde moitié du XVIIIème siècle assurent donc la lente transformation des exploitations vigneronnes peu rentables, qui abandonnent leur activité principale pour une culture maraîchère accrue, assurées qu'elles sont de trouver des débouchés sur les agglomérations proches.
LE PHYLLOXERA
Les intempéries n'étaient pas seules à gâter la vigne ; les champignons, vers et insectes parasites, infestaient les ceps, provoquant perte de production et partant flambées des prix. Mais la maladie la plus redoutée, celle qui laissa les souvenirs les plus rudes dans les mémoires, ce fut le phylloxera. Présente dès 1868 dans le Gard, elle a gagné l'ensemble du vignoble français et est apparue en Ile-de-France en 1885. L'insecte provoquant la maladie frappe dans le Mantois en 1898 à Follainville et encore en 1905 à Gommecourt. Inconnue jusqu'ici, ignorant les causes de son apparition et de sa transmission, il était très difficile à combattre.
Curieusement le phylloxera, qu'on a vu introduit par des plants américains, combattu heureusement par le sulfure de carbone, n'est pas la cause directe de la disparition du vignoble du Mantois. Mieux, le décalage chronologique de l'apparition des symptômes épidémiques favorisa par la hausse de la demande, donc des cours, le vignoble de la région parisienne avant de provoquer sa perte par un effet retour.
En effet, les moyens employés pour combattre l'épidémie sauvèrent les vignes du Midi de la France.
Les vins de Limay, Porcheville, Guerville ou Rolleboise devenaient trop chers. Alors les vignerons du Mantois comme ceux de l'Ile-de-France en général, se tournèrent vers le maraîchage, ou vendirent leurs terrains pour la construction. La vigne était réduite à l'état de souvenirs et de fêtes patronales.
PRESSOIRS ET FOULOIRS
Récolte faite, le vigneron devait ensuite fouler ses raisins, laisser la fermentation se développer, permettant d'obtenir " le vin de goutte " qui sera ensuite mélangé au " vin de presse " obtenu par pressurage du marc au pressoir.
Les pressoirs, sous l'Ancien Régime, sont dans leur quasi-totalité régis par la banalité féodale. Celle-ci autorise le possesseur du fief à contraindre ses justiciables à l'utilisation exclusive du pressoir dont il est le propriétaire ou dont il aura autorisé l'existence. Cette propriété féodale remonte fort loin dans le temps. Ainsi Raoul d'Ajou, chevalier, vend en 1269 les deux tiers de la moitié d'un cens commun à lui et ses associés, au lieu-dit Nonciennes près de Meulan, pour une somme de 72 livres parisis comprenant notamment la moitié du pressoir. La possession féodale du pressoir, nobiliaire ou cléricale, s'explique en partie par " les coûts élevés " de fabrication de tels engins. Aussi lorsque les couches élevées du Tiers Etat, bourgeois-officiers royaux ou laboureurs-receveurs fiscaux du seigneur, auront les moyens de lancer dans des entreprises nécessitant un capital de 500 à 1 000 livres, nous verrons apparaître des pressoirs privés. Certains seront même loués à de riches vignerons qui les exploitent pour eux ou leur voisinage. De cette manière, le 4 février 1652, Jean Le Comte, laboureur à Magnanville, renouvelle la ferme du pressoir des Champs où il demeure et qu'il a prise sur Louis Santerrre, apothicaire à Mantes, au prix de 87 l et 7 setiers de blé par an.
Ces pressoirs sont monumentaux. Ils coûtent très cher à la construction et à l'entretien ; il faudra attendre la seconde moitié du XIXème siècle pour voir apparaître des pressoirs démontables et portables d'un prix d'achat raisonnable.
La production est passée du vin blanc au vin rouge. Les pressoirs domaniaux de Porcheville et Follainville sont expertisés en 1807 et 1809 par l'architecte de l'arrondissement de Mantes, Cyr Jean-Marie Vivenel et estimés ensemble à 6 832 francs de l'époque. Le caractère domanial de ces installations s'explique par la saisie révolutionnaire des biens du duc de Bouillon, seigneur du lieu. Les deux pressoirs, la presse et le fouloir de Porcheville étaient installés dans une construction située rue des Pressoirs et donnant à l'ouest sur la Grande rue du village ; le tout valant 1 464 francs et loué au sieur Charles Noël HEBERT par bail du 30 septembre 1807.
Un second équipement accompagne toujours le pressoir, mais il est très souvent cité seul : le fouloir ou " foullouer ". Mais il est indispensable au foulage des raisins dans des cuves ou " cuvettes ", comme le laisse entendre le document de 1809 signé par Vivenel " qu'ensuite du local de la presse était à Porcheville un fouloir… ".
Essentiellement agricoles, les activités de Porcheville ont été conditionnées par son sous-sol sablonneux. Dès 1829, le sous-préfet de Mantes note que " souvent sont cultivés avec profit les petits pois des primeurs sur la rive droite de la seine " figure ?
L'annuaire de Seine-et-Oise de 1867 donne de plus amples renseignements : " son territoire sablonneux produit primeurs, seigle, presque pas de blé et un peu de vin, des petits pois ".
La statistique décennale de 1892 recense 85 hectares consacrés au seigle, 20 aux petits pois, 10 aux asperges.
L'asperge de Porcheville devient réputée et chaque exploitant en cultive. Certains se souviennent encore qu'un courtier venait en prendre livraison tous les jours à moins qu'on ne les portât directement aux halles de Paris.
Aujourd'hui, la vocation agricole de Porcheville a totalement disparu, la dernière exploitation dans la commune était celle de Monsieur PETIT.
UNE SOURCE DE REVENUS
Ce titre peut paraître étonnant, mais il est un fait que le placement des enfants en nourrice fut pour de nombreuses familles paysannes du Mantois, comme ailleurs, jusqu'à la Restauration, un appréciable complément de revenu. De nombreux travaux conduits par les professeurs Dupaquier, Goubert et Lachiver témoignent de ce fait et tempèrent les sentiments d'affliction qui peuvent nous étreindre.
En effet dès le XVIIème, et peut-être même avant, des couples de manœuvriers prenaient des enfants en nourrice pour arrondir leurs fins de mois. Ceci d'Issou à Méricourt, en passant par Porcheville, Rosny et Rolleboise et bien d'autres villages. Muni de tous les certificats possibles attestant de " sa bonne vie et moeurs ", que son enfant était sevré sans que son lait ne soit tari, la candidate allaitante était conduite en bande avec ses commères, en chariot ou en bateau, par un meneur vers les officines spécialisées de Paris, Saint-Germain ou Versailles. Là, le marchandage réglait le prix de la pension. Le père de l'enfant remettait ensuite en des mains mercenaires son fardeau que la mère n'avait vu qu'une ou deux journées.
Le voyage de retour s'organisait ensuite pour 50, 80 ou 150 Km. Des nourrices de la Basse-Normandie prenaient aussi des enfants. Pendant deux, trois ou quatre jours, les nourrissons subissaient l'agression du milieu extérieur. Aussi les registres paroissiaux contiennent-ils des mentions fréquentes d'enfants morts pendant le trajet de retour et enterrés dans le cimetière du ou des villages-étapes. A Rosny par exemple, mais surtout à Rolleboise, transit obligatoire pour qui reprenait la route de Normandie après avoir utilisé la Galiote, où l'on dénombrait les morts avant de les déverser dans le cimetière. Ici, pendant 88 années du XVIIIè siècle, 523 corps ont été inhumés après le voyage. Sur ces 523 enfants, 434 ont moins d'une semaine, et si la moyenne annuelle ne s'établit qu'à 6, il faudrait ajouter ceux qui sont morts avant Poissy et après Rolleboise. " On mesure, signale M. Lachiver, l'horreur de cette migration forcée et son caractère dévastateur ". L'horrible n'a pas de limite. On va le voir plus loin par d'autres exemples.
Quels sont ceux qui prennent des enfants ? Des humbles des campagnes et des petites villes, qui tous recherchent quelques livres tournois de revenus supplémentaires. La misère est si grande que l'on voit des parents de Meulan prendre des enfants de Paris d'un côté et placer les leurs dans un village proche. Pourquoi ? pour gagner de l'argent en jouant sur la différence de tarif, pour un bénéfice net de 1 ou 2 livres par mois.
Qui place ses enfants ? La population urbaine et les nantis des campagnes ; le paysan ne place pas sa progéniture ou alors dans un village proche. Mais c'est la population parisienne, saingermanoise ou versaillaise qui fournit les gros bataillons de nourrissons. De 1692 à 1831, on ne trouve que deux natifs de Porcheville et onze de Mantes décédant à Issou.
A PORCHEVILLE, l'état-civil nous révèle la mort en nourrice d'enfants nés à Saint-Germain-en-Laye ou à PARIS. Ainsi de 1694 à 1700 l'on dénombre 25 enfants décédés placés en nourrice. Ainsi et parmi d'autres, le 3 mai 1692, enterre-t-on André DEFRICHE fils d'un bourgeois de Paris. Plus tard, le 3 juin 1693, c'est Jacques MICHEL " fils en nourrice " de Monsieur MICHEL Bourgeois de St GERMAIN âgé de huit mois, qui est inhumé. Enfin, en 1693, c'est le tour de Marie Françoise, fille d'un bourgeois de PARIS. Le 24 juin 1694 a été inhumé le fils d'un tailleur à Saint-Germain-en-Laye Monsieur DURE âgé de 5 mois. Nous retrouverons Geneviève CONTOIR, fille d'un bourgeois de PARIS, décédée le 21 avril 1696. Plus haut dans l'échelle sociale, des nourrices PORCHEVILLOISES accueilleront Elisabeth VASCAN fille de VASCAN officier du Roy d'Angleterre, décédée le 18 mai 1699, ou la fille du sieur CHALON, de PARIS, en 1699. Tous sont inhumés à Porcheville !
Ce tableau pessimiste, se noircit à l'approche des années 1780-1790, avec la prise de conscience d'un problème que les autorités, sinon la morale de l'époque sont incapables de maîtriser, à savoir le sort des enfants trouvés. Il naissait à Paris, au XVIIème siècle, en moyenne 20 000 enfants. Un nombre croissant correspondant sera abandonné, grossi de ceux que l'on amène des provinces voisines. Les raisons de l'abandon sont diverses : misère, illégitimité… Vers 1700, M. Lachiver relève 1 500 abandons à Paris par an ; ils sont 3 000 en 1740, 6 000 en 1767 et 6 700 en 1780. Les pouvoirs publics ne peuvent faire face et recrutent des nourrices pour des tarifs modiques : des femmes âgées de plus de cinquante ans et des veuves, incapables d'allaiter. Ainsi, la veuve de Michel Bertrand, de Rosny, enterre le 24 février 1764, Claude Antoine Lacour né le 13 février de la même année et placé par le Bureau des enfants trouvés de Paris.
La crise des années 1780 développe ce trafic et des paroisses, comme Rosny, Rolleboise, Méricourt, placées au terminus de la Galiote, deviennent des mouroirs. Le 15 mai 1779, deux enfants trouvés, matricules 2512 et 3120, sont inhumés par la même nourrice rosnéenne. Les conditions d'hygiène, la malnutrition produisent ce que l'on peut appeler un génocide. L'abandon n'est pas propre à la population des grandes villes. De Mantes aussi, on place des orphelins ou enfants abandonnés. Ainsi, Louis Nicolas Aubert né le 13 février 1777, de Pierre Aubert marchand forain, et Marie Agathe Tasset, " laquelle a accouché étant à Mantes ", est inhumé à Rosny le 6 juillet 1778.
Le tableau devient insoutenable lorsque l'on s'attache à Marie Bienvenu de Rolleboise, âgée de trente ans en 1784, qui eut 6 enfants dont 4 morts dans l'année de leur naissance, mais qui reçoit de juillet 1784 à septembre 1785 trente nourrissons, tous morts dans les trois mois au plus de leur naissance ! " et, note M. Lachiver, inlassablement le curé de Rolleboise enregistre les actes de sépulture sans sourciller, sans formuler une remarque. " Tous ces nouveau-nés n'ont pas le bonheur - relatif - de Denise Roussi, fille d'un perruquier parisien, morte en nourrice à Rosny assistée de son oncle maternel, le sieur Bocheron, procureur fiscal du marquisat de Rosny. L'horreur est atteinte dans le cas de Michel Modot, enterré à Rosny le 13 juillet 1739, âgé de deux mois et mort de convulsions en nourrice chez Nicolas Feuillet, vigneron " qui n'a pu le garder, sa femme étant malade, l'a mis en garde chez Marie Denis, laquelle l'a mené à Paris chez son père qui a refusé de la recevoir ; l'enfant est mort en chemin, ainsi que l'ont attesté ladite Denis et Louis Lemoine qui la conduisait… ".
Indifférence ? Infanticide ? Peut-être pas. La mort de l'enfant est si fréquente au XVIIIè siècle qu'elle choque peu, la pandémie et les épidémies maintiennent un climat de fatalité. Bien entendu, le cas de Marie Bienvenu est extrême, mais il révèle une facette particulière de la vie quotidienne, de la morale et des mentalités d'une époque, qui n'est pas si éloignée puisque le mouvement se poursuit jusqu'à la fin du XIXè siècle.
Notons, que la Révolution, par un décret de la Convention du 28 juin 1793, eut le courage, sinon le temps, de prendre position contre le nourrissage mercenaire. Le vœu resta pieux par manque de moyens médicaux et sociaux.
On paraît s'éloigner de l'étude des origines économiques du Mantois, En réalité non, Le tableau que nous avons dressé est plus proche de Jérôme Bosch que de Boucher, mais il reflète une réalité incontournable de notre pays et de ses terroirs : celle de son déséquilibre démographique. Cette image renforce d'autant l'importance de la révolution sociale et médicale du XIXè siècle.
Le 20 décembre 1756, par bail emphytéotique de 99 années, les Célestins de LIMAY, qui avaient donné au duc de BOUILLON, les cens et droits seigneurie de PORCHEVILLE et sur LIMAY à la condition qu'il paierait pour eux, 150 livres de rentes à diverses seigneuries, louèrent au duc, le droit de chasser sur leur seigneurie de Porcheville et sur Limay.
Si l'on en croit le chroniqueur mantais de cette époque, la plaine de Porcheville était très giboyeuse. Pour mettre fin à la dévastation du territoire, par ce gibier devenu trop nombreux, le procureur du roi de la capitainerie de Saint-Germain-En-Laye, organisa une grande chasse dans la plaine pour la destruction des lièvres.
En 1774, la comtesse de Montesquieu se rendit adjudicataire de sept setiers d'avoine dûs par les habitants de Porcheville par aliénation des domaines des Jésuites de Paris.
L'église dédiée à Saint-Séverin et à Saint-Fiacre dépendait à la célèbre abbaye de Marmoutiers. Elle a été entièrement rebâtie au XIIIè siècle. A l'intérieur il n'y a qu'une nef. Le chœur est à trois pans.
Le 16 mai 1780, un procès verbal d'arpentage donne la superficie totale de la paroisse : " il en résulte des opérations que la paroisse de Porcheville contient en totalité à la mesure du lieu de vingt-deux pieds pour perches et cent perches pour arpents la quantité de huit cent soixante arpents, soixante sept perches ".
Depuis le XVème siècle, le terroir de Porcheville est administré par les Célestins de Limay. A ce titre, les religieux font rédiger des registres terriers pour mieux apprécier leurs possessions : on y trouve l'énumération des terres qu'ils détiennent à Porcheville avec la mention des droits et redevances attachés à chacune d'elles figure 3
A partir de la création des communes (décrets du 12 novembre 1789), l'administration municipale est mise en place. Il devient obligatoire de tenir un registre des délibérations pour consigner les décisions du corps municipal (ce que faisaient déjà la plupart du temps les syndics, représentants habituels des communautés rurales sous l'ancien Régime).
Les premières élections municipales se déroulent avec pompe le samedi 6 février 1790.
63 votants, tous citoyens actifs de Porcheville (payant l'impôt des trois journées de travail), âgés de plus de vingt cinq ans procèdent aux opérations électorales : Charles Noël Hébert est élu maire, Etienne Barbu : procureur de la commune, Roch François et Georges Petit, officiers de la municipalité. Pierre Lesieur fils de Jean, Michel Normand, Pierre Lesieur fils de Guillaume, charles Guitel le jeune, François Hébert et Pierre Petit le jeune sont désignés comme notables